Critique et résumé du livre :
Le serpent cosmique, l'ADN ou les origines du savoir de Jerermy Narby
La théorie développée dans ce livre est évoquée dans le chapitre 7 de La Toile de l'Eveil : La Liane des Esprits.
Mettons toute de suite les choses au point : il s'agit d'un ouvrage pseudo-scientifique, écrit par un anthropologue qui empiète sur d'autres disciplines, comme la biologie, pour élaborer une théorie farfelue. Inutile de préciser que la communauté scientifique l'a descendu en flèche !
Et pourtant, ce livre vaut largement le détour...
Résumé :
Lors d'une étude ethnologique en Amérique du Sud, l’auteur enquête auprès des chamanes d’Amazonie. Ces derniers lui confient qu’ils tiennent leurs connaissances médicinales ancestrales des plantes elles-mêmes, et l’initient à leur breuvage le plus sacré : l’Ayahuasca.
L’ethnologue est bouleversé par ses visions et les révélations que lui font les esprits — des serpents lumineux — qu’il rencontre durant sa transe.
Jusqu’à la fin du livre, il va s’employer à déterminer l’origine de ces visions, ce qui va le conduire à élaborer une folle théorie : les serpents entrelacés symboliseraient les molécules d’ADN.
Celles-ci pourraient communiquer entre elles, même à distance, pour guider l’évolution de la vie, non pas selon la sélection naturelle, mais suivant la théorie très controversée du dessein intelligent (à ne pas confondre avec le créationnisme, qui rejette complètement l'idée d'évolution)…
Critique :
On comprend bien vite pourquoi l’ouvrage a été décrié par le milieu scientifique : le livre de Narby est un lourd pavé dans la mare aux certitudes, qui éclabousse plus qu'il ne ricoche. Mais il pointe aussi du doigt certains postulats d’une science arrogante, qui minimise l'étendue de son ignorance...
Selon les chamanes, ce sont les plantes elles-mêmes qui leur révèlent la composition des remèdes. La forêt Amazonienne abrite d’innombrables espèces végétales, que l'on a pas fini de répertorier.
L’Ayahuasca est une macération de lianes et de feuilles issues de deux plantes bien distinctes. Si les Indiens avaient procédé empiriquement — en essayant de mélanger des plantes au hasard — pour en découvrir la recette, l’auteur démontre que statistiquement il faudrait avancer de plusieurs centaines de millénaires la date supposée de l'apparition de l’homme…
Mais ce n’est pas tout : le procédé chimique est extrêmement complexe, puisque prises séparément ces plantes n’ont strictement aucun effet. L’une d’elle agit comme inhibiteur d’une enzyme sécrétée par notre organisme, afin que l’autre puisse provoquer les visions. Cela ne s’invente pas.
Selon le même principe, l’auteur nous démontre que l’apparition de la vie ne peut résulter du hasard. Les chances que tous les composants s’agencent parfaitement afin de créer la première cellule étaient extrêmement minimes.
Réussir un assemblage d’une telle complexité relève du miracle, à l'échelle de la durée de vie de notre planète. Il y avait autant de chances de réussir ce coup de maître en faisant appel au hasard qu’en jetant au cœur d'une tornade les pièces détachées d’un Boeing et en espérant voir l’avion se construire sous nos yeux !
La science elle-même commence douter que la vie soit apparue spontanément. Il est beaucoup plus probable qu’elle ait été amenée sur Terre à l’état de germe (ce qui ne fait que repousser plus loin l’énigme de son apparition)... ou qu’elle ait été « crée »!
On aboutit donc à l’hypothèse du dessein intelligent. En la rejetant, on admet alors que la vie a eu droit à un coup de chance vertigineux, d’une probabilité si infime que la science ignore ses propres préceptes lorsqu’elle persiste dans cette hypothèse…
L'auteur attribue aussi à l’ADN des capacités de communication qui seraient dissimulées dans ce que la génétique a nommé « l’ADN poubelle ». C’est en effet ainsi que l’on a baptisé tout ce que l’on n’arrivait pas à déchiffrer dans le code ADN, décrétant que ces parties mystérieuses (qui en constituent la majeure partie) ne servaient probablement à rien. Elles auraient été ajoutées « pour combler les trous ».
Quand on sait que l’ADN nous définit des pieds à la tête, de la surface de la peau à la moelle des os, qu'il est le langage de la vie et que celle-ci est d’une incroyable complexité, on a du mal à croire que notre bibliothèque interne soit aux trois quarts constituée de pages blanches ajoutées juste pour décorer !
Narby fait aussi un parallèle entre les représentations tribales et des vues macroscopiques, postulant que les peuples primitifs ne pouvaient avoir imaginé ces formes moléculaires, qui leur avaient donc été montrées par les esprits. Il rappelle que le serpent (ou le dragon) fut jadis un symbole mystique puissant pour toutes les civilisations du globe… Un simple hasard ?
Si le livre n’est pas d’une rigueur à toute épreuve, il a le mérite de poser des questions pertinentes, de mettre en évidence des paradoxes et des lacunes que la science aimerait ignorer, comme tant d'autres singularités sont écartées lorsqu'elles dérangent l'hypothèse dominante.
Ajoutons que les scientifiques ont la mémoire courte en ce qui concerne les hallucinogènes, puisque c'est précisément sous leur influence que le prix Nobel Francis Crick découvrit... la structure de l'ADN. Etrange coïncidence !
Dans les années 60 et 70 d’innombrables brevets ont été déposés par des chercheurs qui planchaient sous LSD, à la demande de l’état américain ! La CIA a étudié la substance avec un grand intérêt avant de s’apercevoir qu’il était impossible de contrôler les sujets drogués. Dès lors les hallucinogènes ont subitement été interdits.
Peut-être parce qu’ils ouvraient la conscience plutôt qu’ils ne permettaient de la contrôler ?
On a récemment découvert que les enthéogènes donnaient de bons résultats dans le traitement de la dépression. Et même si les autorités veulent interdire l’Ayahuasca, les industries pharmaceutiques s’intéressent de très près au moyen de synthétiser le breuvage pour en supprimer les effets psychédéliques et en faire un usage médical…
Les serpents cosmiques pourront-ils encore communiquer sans le rituel et la protection du chamane ? La magie opérera-t-elle ? Encore une fois on pille le savoir des premiers peuples tout en méprisant leur sagesse millénaire… Or l'ayahuasca exige le respect, un encadrement et une préparation sérieuse (jeûne, etc.), sans quoi elle peut se révéler fort dangereuse.
Gageons que les adeptes du discours de la méthode qui condamnent le livre sans appel n’ont jamais fait l'expérience des enthogènes, et certainement pas de leur mère à tous : l’Ayahuasca. Car même les plus sceptiques des scientifiques en reviennent beaucoup plus ouverts à l’idée d’une conscience cosmique.
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